Les faits
Sur son réseau social Truth Social, le président des États-Unis, Donald Trump s’est exprimé sur “l’attaque de certains pays contre les incroyables entreprises Tech américaines”.
En tant que Président des États-Unis, je m’opposerai aux pays qui s’attaquent à nos incroyables entreprises technologiques américaines. Les taxes numériques, les législations sur les services numériques et les réglementations des marchés numériques sont toutes conçues pour nuire ou discriminer la technologie américaine. Elles accordent, de manière scandaleuse, un laissez-passer complet aux plus grandes entreprises technologiques chinoises. Cela doit cesser, et cesser MAINTENANT !
Avec ce [message], j’avertis tous les pays appliquant des taxes numériques, des législations, des règles ou des réglementations : à moins que ces actions discriminatoires ne soient supprimées, moi, en tant que Président des États-Unis, j’imposerai des droits de douane supplémentaires substantiels sur les exportations de ces pays vers les États-Unis, et j’instaurerai des restrictions à l’exportation de nos technologies et puces hautement protégées. L’Amérique et les entreprises technologiques américaines ne sont plus ni la « tirelire » ni le « paillasson » du monde. Montrez du respect à l’Amérique et à nos entreprises technologiques extraordinaires, ou assumez les conséquences !
Je vous remercie de l’attention que vous porterez à cette question.
Donald Trump, le 26/08/25 sur Truth Social (traduit de l’anglais)
De quoi parle-t-il ?
Donald Trump dénonce donc trois choses :
- les taxes numériques
- les législations sur les services numériques
- les régulations des marchés numériques
Il semble donc s’en prendre directement au DSA , à la Fiscalité de l’économie numérique , au RGPD ainsi qu’à l’ IA Act ou encore au règlement sur les marchés numériques . Ces cinq textes s’appliquent dans le cadre de la commission européenne.
Il n’y a pas trop de doute, Trump s’oppose aux législations européennes.
Ces textes ont des objectifs assez différents, mais ils visent :
- à protéger les utilisateurs numériques
- à s’assurer que les géants du numérique ne profitent pas de leur position dominante pour imposer des clauses ou des conditions abusives.
- à faire en sorte que tout le monde paie une juste part d’impôts (dès lors qu’un service numérique est utilisé dans un pays, même sans présence physique)
Ces législations sont des contraintes pour les géants de la tech américaine, qui doivent adapter leurs services à la loi européenne. Cela leur impose des coûts supplémentaires, les obligent à renoncer à certaines fonctionnalités qui ne sont pas admises en Europe et les empêchent de trouver des contournements pour payer moins d’impôts ou de taxes.
Quelles sont les menaces ?
Trump menace donc les pays européens des droits de douanes supplémentaires. Cela semble être son arme préférée. Le président semble capable de changer sa politique tarifaire à son bon vouloir et du jour au lendemain. Il a déjà beaucoup utilisé cette méthode dans ces négociations avec d’autres pays (Européens et autres).
Mais Trump brandit une nouvelle menace : les “restrictions à l’exportation des technologies et puces”. Le terme technologie est assez vague et pourrait concerner un peu tout service numérique. Il faut bien se rendre compte que le numérique se repose pour beaucoup sur les géants américains.
Une telle restriction a déjà été utilisée contre l’entreprise chinoise Huawei à partir de 2019. Huawei faisait face à de nombreuses critiques dont des craintes d’espionnage. Trump avait alors décidé d’un embargo technologique. Dans un premier temps, l’ensemble des téléphones de la marque chinoise ont perdu l’accès aux PlayStore de Google, ce qui les a rendus beaucoup moins intéressants pour les utilisateurs (notamment en Europe). Puis en 2020, les États-Unis vont plus loin et coupent l’accès aux puces utilisées dans les smartphones Huawei. Pourtant ces puces sont fabriquées par une entreprise taïwanaise, mais reposant sur des technologies américaines.
Résultats : les ventes de l’entreprise chinoise d’écroulent . Deuxième constructeur mondial de smartphones en 2019, Huawei sorts du classement des plus grandes marques dès fin 2020.
Pour approfondir, je vous invite à consulter l’ article sur FrAndroid .
Cependant, je vois mal une telle stratégie bouleverser l’Europe étant donné que nous n’avons pas de gros fabricant de terminaux. À quoi cela pourrait-il correspondre ? Trump envisage-t-il de restreindre l’accès aux câbles sous-marins détenus par les entreprises américaines ? Ou de limiter les usages des services clés comme Outlook ou Gmail ? Cela semble toutefois difficilement réalisable. Mais cela pourrait porter un coup dur sur les entreprises européennes.
Que faut-il en penser ?
Cette annonce était attendue. J’en parlais déjà dans l’article sur la souveraineté et le logiciel libre.
Mais cet été 2025, on peut assister à une véritable montée en pression :
- le 22 juillet, de département d’état américain qualifie le DSA de censure protégeant les leaders ( source )
- le 25 juillet un rapport du congrès appuie ce point de vue ( source )
- le 21 août, la FTC invite les grandes entreprises Tech américaine à privilégier la loi américaine plutôt que les législations européennes ( source )
- le 26 août, l’appui de Trump via son réseau social (message mentionné dans cet article)
On peut donc s’attendre à un bras de fer entre les États-Unis et l’Europe sur le sujet. Que va-t-il advenir de ces négociations ? Je ne vais pas me mouiller dans un pari.
Par contre, il semble indispensable pour toute entreprise européenne d’éviter de dépendre d’entreprises américaines. Dans les 4 prochaines années (à minima), les États-Unis deviennent un partenaire à risque. Il faut penser robustesse avant tout.
Pour les logiciels, il vaut mieux éviter les solutions clés en main type Microsoft 365 ou Google Workspace. On pourra s’appuyer sur des solutions locales ou encore mieux sur des solutions libres (comme Nextcloud).
Pour le matériel, c’est plus compliqué… Niveau serveurs, c’est une bonne idée de limiter les dépendances aux entreprises américaines (Azure, GCP, AWS) et d’avoir plusieurs fournisseurs locaux (OVH, Scaleway, Clever Cloud, Denv-R…).
Il vaut mieux agir maintenant, tant qu’il n’y a pas d’urgence pour réussir une bascule vers la robustesse en toute sérénité.