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SIMBIOS

Pour fonctionner, le numérique a besoin de nombreux métaux. Nos smartphones notamment, sont composés d’une cinquantaine de métaux différents.

Vue éclatée d'un téléphone avec les nombreux métaux qui le composent.

Voir l’ infographe interactive avec l’utilité de chacun des métaux (source : isf-systext)

Ces métaux proviennent des quatre coins du monde, puisque leurs gisements ne sont pas répartis équitablement. De plus, les réserves sont limitées et ne se renouvellent pas.

Durée de réserves rentables mondiales de métaux

Mais si les métaux ne se renouvellent pas… ça veut dire qu’un jour, il n’y en aura plus ! On en a pour combien de temps ?

C’est la question à laquelle a souhaité répondre le collectif GreenIT.fr dans son rapport État des réserves mondiales de métaux .

Résultats

Métal Durée des réserves rentables mondiales
Etain 5 ans
Antimoine 5 ans
Lithium 5 ans
Cobalt 6 ans
Or 8 ans
Cuivre 9 ans
Nickel 10 ans
Zinc 10 ans
Yttrium 13 ans
Argent 13 ans
Tentale 14 ans
Germanium 14 ans
Silicium métal 17 ans
Indium 17 ans
Tungstène 19 ans
Manganèse 30 ans
Dysprosium 39 ans
Magnésium 40 ans
Gallium 44 ans
Ruthérium 45 ans

Également étudiés, le platine, le praséodyme, la néodyme et le palladium ont des durées estimées dépassant 100 ans.

Interprétation

La lecture de ce tableau a de quoi inquiéter. Si les tendances actuelles se confirment, nous ne pourrons plus fabriquer de batterie Lithium-Cobalt dans 5 ans ?

Alors, ce n’est pas tout à fait la bonne interprétation. On parle ici des réserves “rentables”. On ne prend en compte que les gisements connus et exploitables. Il est possible que l’on trouve d’autres gisements d’ici 5 ans. Cela dit, vu qu’il faut une dizaine d’années pour ouvrir une mine, on va tout de même au devant de problèmes sérieux.

Il est donc vraisemblable qu’on ait besoin d’exploiter des ressources “non rentables”. Cela signifie que l’exploitation de ces métaux sera plus chère et que le prix de ces métaux va exploser.

Limites de l’étude

GreenIT.fr vient ici mettre des estimations sur une réelle interrogation du secteur. Les résultats sont plutôt alarmants.

Toutefois, l’étude manque de transparence sur sa démarche. Les sources sont imprécises et la méthode de calcul de la demande n’est pas expliquée.

Criticité des métaux

Au delà de l’état des réserves, l’ADEME propose d’autres critères pour évaluer la criticité des métaux. Voici les 6 critères retenus dans leur étude “ numérique et métaux “ :

  • Risque sur la longévité des réserves connues
  • Incertitudes sur la disponibilité du métal
  • Risques géopolitiques de l’approvisionnement
  • Volatilité du prix du métal
  • Impact environnemental de l’extraction
  • Impact sociétal de l’extraction

Résultats

Métal Risque sur la longévité des réserves connues Incertitudes sur la disponibilité du métal Risques géopolitiques de l’approvisionnement Volatilité du prix du métal Impact environnemental de l’extraction Impact sociétal de l’extraction
Etain 4 4 4 3 2 2
Argent 4 4 3 2 3 2
Ruthénium 1 4 3 3 4 2
Nickel 3 4 3 3 2 2
Antimoine 4 2 4 3 2 2
Or 4 1 3 1 5 2
Cuivre 2 5 3 2 2 2
Cobalt 2 2 5 3 1 3
Palladium 1 2 4 2 4 2
Dysprosium 1 4 3 3 2 2
Gallium 1 4 3 3 2 2
Néodyme 1 4 3 4 1 2
Germanium 2 4 3 1 2 2
Tungstène 2 5 3 1 1 2
Zinc 4 3 3 1 1 2
Lithium 1 3 2 5 1 2
Manganèse 2 2 3 4 1 2
Platine 1 1 3 1 5 2
Tantale 1 2 4 1 2 3
Praséodyme 1 4 3 2 1 2
Aluminum 1 3 3 2 1 2
Magnesium 1 1 3 4 1 2
Yttrium 1 3 3 1 1 2
  • Risque sur la longévité des réserves connues
  • Incertitudes sur la disponibilité du métal
  • Risques géopolitiques de l’approvisionnement
  • Volatilité du prix du métal
  • Impact environnemental de l’extraction
  • Impact sociétal de l’extraction

Interprétation

Les métaux avec le moins de longévité

On peut voir que les études sont relativement cohérentes au niveau de la longévité des réserves. Une différence notable se trouve au niveau des réserves de Lithium et de Cobalt. Pour le Lithium, je pense que c’est la rentabilité qui est la cause principale. On connaît beaucoup de gisements de lithium, mais leur exploitation risque d’avoir un impact majeur sur son prix (et donc la volatilité du prix du lithium obtient le score de 5/5). Pour le cobalt, je n’ai pas d’explication. Cela provient probablement de la situation géopolitique de RDC, mais je n’en suis pas certain.

Les métaux avec les impacts environnementaux les plus importants

Les quatres métaux avec les scores environnementaux les plus importants sont de métaux précieux :

  • l’or
  • le platine
  • le ruthénium
  • la palladium

Cet impact est notamment dû à leur faible concentration qu génère de nombreux résidus minéralogiques toxiques et nécessite beaucoup d’eau pour leur traitement.

La disponibilité

Certains métaux ont des réserves suffisantes, mais possèdent tout de même des risques de disponibilité puisqu’ils proviennent de pays en situation de quasi-monopole qui peuvent exercer des restrictions. Ces goulots d’étranglement de la production peuvent intervenir à l’extraction, au raffinage ou à la fabrication des composants.

Pour aller plus loin, je vous invite à consulter les fiches sur la chaîne de fabrication du numérique de Stéphan Peccini.

Des besoins au-delà du numérique

Le numérique n’est pas le seul secteur nécessitant des métaux spécifiques.

Dans ce graphique, on peut voir qu'à part quelques exceptions (Indium, Germanium, Gallium), la part du numérique ne dépasse jamais plus de la moitié de la demande mondiale.

Demande mondiale et part du numérique pour différents métaux (source : ADEME )

Les métaux sont notamment nécessaires pour :

  • le transport (voiture électrique et aviation)
  • la fabrication d’électricité (éolienne, photovoltaïque)
  • la défense
  • la fabrication d’engrais

L’Union Européenne a donc mis en place le Critical Material Act . Cette législation définit 34 matières dont l’approvisionnement est critique et dont la grande majorité sont des métaux.

Le but est de renforcer l’autonomie européenne avec les objectifs suivants :

  • au moins 10% d’extraction dans l’union européenne pour ces matériaux
  • au moins 25% de la consommation issue d’un recyclage domestique
  • au moins 40% de la transformation doit avoir lieu dans l’Union
  • limitation à 65% des importations issue d’un seul pays tiers pour chaque matériau

Malheureusement, il n’y a pas d’objectif sur la limitation de la demande. Nous ne sommes donc pas encore dans une démarche de sobriété.

Comment réagir ?

Le Critical Material Act (énoncé plus haut) est un bon début pour sécuriser l’approvisionnement des métaux.

Il convient toutefois de penser prioritairement à un plan de sobriété :

  • réduire le nombre d’équipements numériques
  • allonger la durée de vie des équipements
    • favoriser les réparations
    • proposer les innovations en se basant sur les infrastructures et équipements existants (loi d’ erooM )
    • refuser l’obsolescence logicielle
  • développer les mines urbaines, c’est-à-dire améliorer le recyclage pour valoriser nos poubelles

Conclusion

Clairement, l’exploitation des métaux est un sujet majeur pour l’avenir du numérique. Si les concepts de souveraineté de l’approvisionnement pouvaient sembler une chimère de puristes il y a quelques années, aujourd’hui la situation géopolitique mondiale ne laisse plus le choix.

Nous sommes devenus totalement dépendants du numérique. Et le numérique dépend de métaux. Cela met les pays exportant ces matériaux en situation de force. Un pays comme l’Afrique du Sud pourrait faire arrêter la production mondiale de terminaux numériques en arrêtant les exportations de ruthénium (90% de la production mondiale). Et je ne parle même pas du pouvoir de la Chine…

Au delà des tensions géo-politiques, les reserves s’amenuisent. L’étude GreenIT.fr est là pour nous réveiller. Les exploitations de beaucoup de métaux clés vont devoir massivement être transformés à horizon 5 ans. Cela signifie , au mieux, que leur prix va s’envoler…

Pour aller plus loin

Voici les très belles sources qui ont permis la rédaction de cet article. Si vous souhaitez approfondir le sujet, ces sont vraiment… des mines d’or !

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