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SIMBIOS
Vous pouvez écouter cet article en podcast

Je vous propose un nouveau volet sur les crises environnementales : on va parler cette fois-ci de l’eco-toxicité de l’eau.

Nous avions vu dans l’article précédent comment les activités humaines perturbent le cycle de l’eau. A ces problématiques de quantité d’eau disponible viennent aussi s’ajouter des problèmes de qualité de l’eau.

Comment l’humanité pollue-t-elle l’eau ?

Nous avions vu une pollution par les nutriments dans l’article sur l’eutrophisation. L’écotoxicité de l’eau s’intéresse donc aux autres types de pollutions aquatiques.

Les activités humaines contaminent l’eau de manières très variées.

Production d’électricité

Les cours d’eau sont parfois utilisés pour refroidir nos centrales thermiques. L’eau qui est rejetée est la même que celle qui est prélevée, mais avec quelques degrés de plus. Ce changement de température peut avoir de gros effets sur la biodiversité, notamment quand le cours d’eau est naturellement déjà plus chaud que la moyenne.

On sort un peu du cadre de l’écotoxicité, mais cet usage constitue également une modification du milieu et est donc une pollution.

Agriculture

L’agriculture contribue à l’écotoxicité de l’eau par l’usage de produits phytosanitaires :

  • pesticides
  • antifongiques
  • herbicides

Ces produits peuvent ruisseler pour terminer dans les cours d’eau ou bien pénétrer dans le sol et contaminer les réserves souterraines.

Industrie

L’industrie contribue pour beaucoup dans l’écotoxicité de l’eau notamment par le traitement du métal (fonderie, raffinage, extraction…)

En outre, pour subvenir aux besoins des consommateur.trice.s, l’industrie crée des nombreuses nouvelles molécules chimiques qui finissent inéluctablement dans l’environnement.

Pollution médicamenteuse

L’industrie pharmaceutique qui émet de nouveaux médicaments pour soigner les humains et les animaux. Ces substances finissent dans les déjections. Les stations d’épurations ne savent pas les éliminer. Elles finissent donc dans les cours d’eau.

Les PFAS

Les substances per- et polyfluoralkylées (PFAS) sont utilisées dans :

  • les emballages alimentaires
  • les revêtements anti-adhésifs (en cuisine ou ailleurs)
  • les isolants électriques
  • revêtements impeméabilisants (textile, moquette…)

Les PFAS ont un caractère polluant très persistant. Elles ont des effets documentés sur la biodiversité et la santé humaine (augmentation du cholestérol, cancer, infertilité…)

Trafic routier

L’eau qui tombe sur nos routes ou nos sols artificiels se charge des éléments polluants (notamment issus de la dégradation des pneus mais aussi des hydrocarbures). Cette eau ruisselle et finit généralement dans les cours d’eau ou dans les nappes souterraines.

Déchets

Les résidus des incinérateurs d’ordures peuvent participer à l’écotoxicité de l’eau s’ils sont mal gérés.

De même, de nombreux déchets (notamment plastiques ou aussi des mégots de cigarettes) sont laissés dans la nature et finissent par polluer les cours d’eau ou les réserves souterraines.

Photo d'un lac en Inde avec beaucoup de déchets au premier plan.

Photo de Yogendra Singh .

Quelles sont les limites soutenables ?

Pour mesurer l’écotoxicité de l’eau, on se base sur un indicateur qui s’exprime en CTUe (Comparative Toxic Unit). La méthode pour agréger l’ensemble des pollutions est très complexe, je ne la maistrise pas et donc je pourrais encore moins l’expliquer.

La limite mondiale est fixée à 1.31.10¹⁴ CTUe d’après le JRC (Joint Research Centre) de la Commission Européenne.

Quelle est la place du numérique dans la pollution de l’eau ?

L’extraction et le raffinage de métaux nécessaires à la fabrication du matériel numérique participent beaucoup à l’ecotoxicité de l’eau :

  • la matière extraite peuvent réagir avec l’air ou l’eau et produire des substances toxiques et/ou acides
  • l’eau utilisée pour le raffinage ainsi que les déchets miniers chargés tous deux de matières chimiques nocives sont déversés dans la nature
Vue aérienne du désastre écopaysager de la mine de cuivre abandonnée de Levikha (Russie).

Photo d’une ancienne mine de cuivre en Russie et de son impact sur la forêt avoisinante (crédit : Vasily Iakovlev)

D’après le rapport Evaluation de l’impact du numérique en France de l’ADEME-ARCEP, les usages numériques en France ont engendré 2,63.10¹¹ CTUe.

Comme la France représente environ 1% de la population mondiale, cela signifie que le numérique représente à lui seul 20.7% de l’écotoxicité aquatique qu’elle pourrait engendrer en restant soutenable.

Malheureusement, il n’est pas courant d’avoir des données disponibles sur l’écotoxicité de l’eau. Je ne peux malheureusement pas comparer avec d’autres secteurs.

Que peut-on faire pour améliorer les choses ?

A l’échelle individuelle

Dans ses achats

  • Consommer des fruits et légumes issus d’une agriculture responsable limitant au maximum l’usage de produits phytosanitaires
  • Limiter l’importation de produits issus de pays avec des normes environnementales moindres qu’en Europe
  • Limiter l’achat de produits nécessitant des métaux (comme nos terminaux numériques)
  • Limiter les transports routiers et maritimes pour nous et les produits que nous achetons.
  • Utiliser des produits biodégradables pour le ménage, le lave-linge et le lave-vaisselle.

Les petits gestes

  • Ne pas utiliser les eaux usées comme poubelle (coton, produits hygéniques, mégots, litière…)
  • Rapporter les médicaments périmés en pharmacie. Ne pas jeter les médicaments dans les eaux usées.
  • Eviter les produits phytosanitaires dans le jardin
  • Jeter les produits chimiques (peinture, huiles…) en décheterie et non dans les eaux usées.

A l’échelle collective

  • Année après année, les stations d’épuration doivent faire face à de nouveaux polluants. Il est important de prendre en compte cette difficulté avant de mettre sur le marché une nouvelle molécule.
  • Limiter l’artificialisation des sols
  • Revoir notre système d’agriculture
  • Avoir des normes plus strictes au niveau des industries et des centrales thermiques

Pour aller plus loin

Il n’est question ici que de la qualité de l’eau en dehors de l’eutrophisation (voir l’article dédié à l’eutrophisation). Un autre paramètre à prendre en compte est la quantité de l’eau disponible. Cela a été traité dans cet article dédié.

Pour continuer à vous documenter sur l’écotoxicité de l’eau, je vous invite à :

Remerciements

Un grand merci à Stéphane Fourneret pour ses explications et la relecture de cet article.

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